Monday, January 28, 2013

DmC (Devil May Cry)

 
Jouer au nouveau Devil May Cry, c'est revenir à l'adolescence d'un médium artistique commençant tranquillement à s'en extraire ; c'est également replonger dans sa propre phase ingrate, et se familiariser avec ce qui est considéré apte à faire tripper la jeunesse d'aujourd'hui. C'est revenir à un état de béatitude confortable où aucune recherche n'a vraiment besoin d'avoir lieu, si ce n'est du maintien d'un look dans le vent et du regard admiratif des pairs. Stimulant et bien produit, DmC est un objet provoquant une ivresse aussi agréable que profondément hermétique, d'un conservatisme qui n'a malheureusement rien d'étonnant.
 
Dans ce récit de découverte d'origines, un beau gosse jeune et insouciant découvre qu'il a toujours été destiné à de grandes choses, et apprend sagement l'importance des responsabilités. Il est épaulé dans son rôle de sauveur par de fidèles acolytes aux quelques failles bien lisses, parcourant un univers qui, malgré son illustration souvent impressionnante, ne transcende jamais sa nature obstinément binaire (anges/démons, bleu/rouge, etc.). La caractérisation des vilains frise la satire sociale -- Dante combat de stupéfiantes incarnations de la manufacture industrielle, de la désinformation de masse, ainsi de suite -- et le tout est présenté dans un mélange d'excès carnavalesque et de surprenante sobriété, mais tous ces atours ne parviennent pas à faire oublier que sous l'habillage clinquant, il n'y a rien de frais sous le soleil.
 
On ne peut nier que le jeu livre la marchandise. Ninja Theory, précédemment responsables de titres inspirants mais non aboutis (Enslaved: Odyssey to the West en particulier) prouvent à nouveau leur talent pour le visuel fort et la conduite narrative de qualité, cette fois-ci au service d'un assortiment de mécaniques dense et fluide, véritable bonheur à explorer. Il faut dire qu'ils sont partis d'une fondation qui -- c'est le moins qu'on puisse dire -- avait trouvé preneur par le passé, et c'est justement là où le bât blesse ; DmC représente une simple appropriation, une "mise à jour" au sens le plus banal et corporatif du terme. L'entreprise est savamment calculée, de la dégaine nouveau genre du protagoniste au design grotesque de telle ou telle créature, en vue de renouveler l'adhésion pour une "propriété intellectuelle" au statut chambranlant. Il s'agit d'une production confiante et souvent enlevante, mais surtout sans âme et sans réelle portée.
 
 
En supposant qu'on limite l'ambition de Ninja Theory à celle d'enfanter un jeu d'action de fort bonne tenue, on peut dire que la critique a eu raison d'applaudir DmC comme un triomphe en son genre. À savoir s'il s'agit d'une oeuvre méritant la moindre considération pour ses vertus esthétiques en dehors du noyau le plus endurci des gamers traditionnels, disons que ça se discute.

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